UN CINÉMA EN RÉVOLUTION, DE 1917 À AUJOURD’HUI
Un siècle d’histoire et d’engagement
Depuis douze ans de festival… déjà, les Rencontres cinéma et société de Tulle et du pays de Tulle sont fidèles aux anniversaires, surtout lorsque les événements ont marqué le monde comme ceux de l’année 1917. Dans un monde décimé par une guerre meurtrière, devenue planétaire, naît une révolution à l’Est, en Russie, pays écrasé sous le joug tsariste, l’obscurantisme, la violence, les pogroms antisémites… De cette révolution naîtra le meilleur comme le pire. Nous avons décidé de nous intéresser au meilleur, tant de gens et d’intellectuels depuis quelques années ne s’intéressant qu’au pire… Le cinéma témoigne de l’extraordinaire inventivité artistique dans l’Union soviétique des années 1920. Rendant compte de l’histoire en train de se faire, avec des films devenus des classiques du cinéma, comme Octobre ou Le Cuirassé Potemkine d’Eisenstein, fidèle aux grands moments révolutionnaires comme l’évocation de la Commune de Paris, à travers des films comme La Nouvelle Babylone, le cinéma soviétique marque également une révolution dans les formes. Les films de Dziga Vertov, comme plus tard Notre siècle d’Artavazd Pelechian, excellent dans l’art du montage, et invitent le spectateur à réfléchir à la signification des images qui se répondent. Chris Marker dans Lettre de Sibérie, reprendra à cet égard ce qu’il est de tradition d’appeler l’effet Koulechov, à savoir faire dialoguer entre elles les mêmes images, en leur donnant, notamment grâce au commentaire, une signification totalement différente. Ce même Koulechov avait réalisé un film ovni, Les Aventures extraordinaires de Mister West au pays des bolcheviks, comédie burlesque qui interroge à la fois les sociétés russe et américaine.
La jeune révolution, dans un pays en guerre, aura à cœur de diffuser le cinéma, au-delà des villes, dans les campagnes les plus reculées. Dans ces campagnes, on verra se dérouler l’histoire hilarante et triste de Khmyr, « le dernier moujik fainéant », dans le film culte Le Bonheur, réalisé par le cinéaste Alexandre Ivanovitch Medvedkine.
Notre programmation s’attachera également à faire découvrir le fonctionnement de la société soviétique naissante, à travers les œuvres de fiction de grands cinéastes comme Alexandre Dovjenko, réalisateur de la symphonie paysanne La Terre, et Boris Barnet, réalisateur de la comédie kolkhozienne Au bord de la mer bleue.
La dimension internationaliste de la révolution russe est incontournable, plus précisément la révolution allemande se devait d’être évoquée. Marcel Bluwal dessine la figure de Rosa Luxembourg et, à travers elle, l’histoire de cette révolution qui finit réprimée dans le sang. Cette période vit la naissance du parti communiste allemand, qui quelques années plus tard, sous la direction de Bertolt Brecht, produisit le film Ventres glacés, qui rend compte du chômage de masse en Allemagne au moment de la crise de 1929.
Comment parler de révolution sans parler de l’engagement ?
Nous nous sommes attachés à questionner à travers le cinéma l’évolution des formes d’engagement d’hier à aujourd’hui. Du Rendezvous de l’espérance, film produit par le Parti communiste français dans les années 1950, à Je t’ai dans la peau de Jean-Pierre Thorn, qui évoque la figure de Jeanne, religieuse devenue militante syndicale dans la France des années 1960, en passant par À bientôt, j’espère de Chris Marker et Mario Marret, dans lequel réapparaît Suzanne, ouvrière en grève à la Rhodiacéta, à la veille de 1968, que l’on avait découvert dans Classe de lutte, premier film du groupe Medvedkine. Cette programmation se terminera par Une douce révolte de Manuel Poutte, « voyage dans les interstices d’un monde parallèle à celui du capitalisme dominant » selon son réalisateur, film qui témoigne de l’émergence d’un nouvel imaginaire de subversion de l’ordre injuste du monde.
Trois ateliers-rencontres accompagneront cette programmation :
Michel Dreyfus se demandera quand la révolution russe dérape-t-elle et se retourne contre le peuple.
Sébastien Layerle présentera le travail incontournable de l’historien Marc Ferro, qui le premier, dans les années 1960, a réfléchi à la relation entre cinéma et histoire.
Pierre Alphandéry évoquera la personnalité de Marius Vazeilles, expert forestier qui mit en valeur le plateau de Millevaches et contribua également à faire de la Corrèze un des départements phares du communisme rural.
Au plaisir d’échanger avec vous lors de ces Rencontres cinéma et société, nouveau nom de la Décade, qui correspond bien à notre volonté : donner à tous la possibilité de se retrouver et de créer des liens grâce au cinéma.
Sylvie Dreyfus-Alphandéry et Federico Rossin, programmateurs des Rencontres cinéma et société